38e Exposition annuelle de l'Association des Jeunes Artistes Coréens Outre mesureCentre Culturel Coréen
20 rue La Boétie, 75008 Paris, FR
www.coree-culture.org
2021.06.17 – 2021.09.17




Commissaire de l’exposition : Sang_A Chun
Organisation : KIM Haeyoung-youmine
Chargée des expositions : JUNG Boram
Conception graphique : SHIN Yisang
Vidéo : BH PARIS MEDIA PRODUCTION



Artistes

KIM Gijoo, SIM Mihye, KIM Haeun, LEE Seunghwan, KIM Jina, KWON Hyeoki, CHOI Hyungsub, GHEEM Sookyoung, HA Yoomi, HONG Bora HONG Sungyeon, JO Joowon, JU Jeongmi, KIM Heeyun, LEE Hyewon, LEE Sung-A, PARK Hyejung, SHIN Minseo, YOUN Guideog



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Korean Cultural Center holds an annual exhibition of Association of Young Korean Artists (l’Association des Jeunes Artistes Coréens, AJAC) from June 17th to September 17th, 2021. The exhibition is an opportunity to perceive artists' work in various angles through a single subject. This year, 19 participated artists present their works with diverse interpretations as well as meanings, focusing on one word "Measure."





    Prendre la mesure comme l’on tâte un pouls. Jauger l’impact de ces règles, ces lieux communs qui nous gouvernent et, consciemment ou inconsciemment, participent de la pratique artistique. Voir ce qui, de la mesure, est à l’œuvre – ou au contraire comment, outre mesure, renverser le cadre normatif. Voilà en substance ce que propose cette année l’exposition réunissant les plasticiens de l’Association des Jeunes Artistes Coréens : évaluer le rapport étroit et complexe que l’art entretient avec les normes sociales, culturelles, artistiques.

    Quid lorsque la mesure, au principe de l’œuvre, fixe les modalités de son effectuation ? Certains optent alors pour la réappropriation, retournant l’obligation à la commensurabilité en contrainte positive. Ainsi Kim Gijoo compose toujours selon une grille orthogonale homogénéisante, unité fictive qui, a contrario, relaie les particularismes de chaque cube de bois la composant. Presque une taxino- mie. Kim Haeun recourt au même jeu de contraste, ses photographies multipliant dans un format type les variations autour d’un même motif – comme les rais du soleil au travers de voilages. L’itération souligne alors l’incroyable mobilité du signifiant.

    Lee Seunghwan déplace également cette limite entre spécifique et générique. Démiurge, il conçoit des algorithmes afin de recréer des « artefacts naturels » – branches, pierres – dupliqués à l’envi. Et accuse encore l’oxymore en dotant ces fac-similés de propriétés opposées, comme ces deux rocs pourtant copies conformes installés sur une bascule et que l’un fait irrationnellement pencher en sa faveur.

    Kim Heeyun, elle, oblitère partiellement ses peintures figuratives par la distribution répétitive de formes géométriques. Révélant les impasses et limites de la figuration, cet outil visuel lui permet d’évacuer le sujet. Réflexion similaire chez Hong Sungyeon, laquelle décline des motifs cinétiques noirs et blancs de carrés et rectangles concentriques qui viennent mordre des toiles monochromes. Le graphisme linéaire relie, mais supplante également visuellement les colorfields modernistes relégués en arrière-fond.

    Saper la commune mesure, cette mécanique du même. Et pour cela s’attaquer à cette contradiction fondamentale entre standard et invention. Partant des formes, matériaux, et proportions caractéristiques de la production industrielle, Gheem Sookyoung fabrique de l’unique. Ses sculptures aux allures de prototypes inopérants dysfonctionnent visiblement – l’étagère se courbe, le siège au piète- ment arrondi est instable – et n’augurent pas la reproductibilité.


    Autre systémique modélisante contestée, l’architecture. Evoquant l’argumentaire foucaldien, Ha Yoomi souligne l’illusoire neutralité du dispositif de l’habitat moderne. Ses élévations et axonométries impossibles regorgent de détails et motifs divergents pour échapper à la stéréotypie assujettissante.

    La mesure, injonction sociale. SUSCRIBE, HONEY DON’T TAKE OFF YOUR MASK, ALL YOU CAN EAT... À coups de slogans reflétant le discours culturel dominant, les vidéos de Sim Mihye incriminent le poids du conditionnement médiatique.

    Car la mesure oblige la personne. Alors, à rebours, d’aucuns construisent des représentations, affirment une subjectivité dans les interstices des discours. Comme un diariste, Kim Jina livre des micros- évènements – ces presque riens à la base de nos existences. Ses photographies et vidéos captées au plus proche de son vécu procèdent d’une constante désublimation de l’image pour restituer la fragilité de l’intime. Les portraits épurés de Hong Bora sont cadrés si serrés que la fragmentation anatomique dématérialise le corps réel – il ne fait plus personne. Sans complaisance ni pudeur, la chair se montre ici dans sa quotidienneté.

    Chez Ju Jeongmi, la représentation prend source dans le rêve – celui de sa patrie lointaine qui s’incarne littéralement dans ses tableaux surréels : pléthore de figures indifféremment nues ou habillées, sans respect d’échelle, jouent et s’entrelacent, conviant à faire l’expérience d’une intimité à partager.

    Kwon Hyeoki pousse la confidence, disant sans ambages la précarité qui fut sienne en renouant avec la vanité : photographies de fleurs sauvages graciles f igées dans des gangues de glace. La vie empêchée, frappée d’inertie.

    Pour déjouer toute procédure réglée, Lee Sung-A fait appel au hasard. Ses papiers trempés dans l’encre restituent pour tout « faire » la seule action aléatoire de la capillarité. Shin Minseo expérimente aussi ce qui n’est pas prescrit. Elle filme par exemple la lente dissolution d’un cachet effervescent contenu dans ses mains en coupe : le mésusage pour susciter des sensations inédites.

    Partant d’un protocole, parvenir donc à ramener du geste, de l’impromptu afin d’affirmer sa mesure. Choi Hyungsub recouvre ses peintures de lignes sinueuses dégradées montrant d’infimes variations et oscillations – traces subtiles et effectives de sa présence à l’œuvre. Lee Hyewon s’amuse du traditionnel rapport fond-forme, immergeant ses figures sous des rayures de couleur à la texture cotonneuse. Le motif, en sourdine, se camoufle.

    Chez Park Hyejung, le dessin se fait presque automatique, révélant quelque chose de la psyché qui serait autrement réprimé. Ses crayonnés graciles laisse voir nombre de repentirs comme autant de niveaux de conscience. Et le spirituel est peut-être in fine l’endroit où résister aux mesures. Youn Guideog choisit ainsi de venir tracer des incises de couleurs vives sur du bois carbonisé - exact inverse de la page blanche. La cendre, on le sait pourtant, est un terrain fertile. Et l’artiste trouve dans ces ponctuations répétées l’espace/temps propice où s’abandonner à la méditation.

    Jo Joowon, enfin, imprime des vues d’objets virtuels dépeints sous une multitude d’angles, repoussant ainsi l’horizon sémantique de la chose donnée à une polysémie fertile. Le champ de possibles paraît impondérable ; façon pour lui d’affirmer une vision de l’existence exemptée de toute exhortation à la mesurabilité.

Marion Delage de Luget




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